Olivier Lièvremont : « Nous sommes humbles et affamés ! »
9 août 2017A quelques jours du début de la Coupe du Monde, Olivier Lièvremont, un des deux entraîneurs de l’Equipe de France féminine de rugby, nous a livré lors d’un entretien à Marcoussis sa vision de l’équipe et le travail qu’ils ont mis en place avec Samuel Cherouk en seulement 6 mois avec le XV de France.
Cousin de l’ancien sélectionneur du XV de France Marc Lièvremont, Olivier Lièvremont a lui aussi joué au rugby : « dans divers clubs de Fédérale 2, maximum Fédérale 1 et encore en forçant un petit peu car c’était trop dur pour moi ce niveau ! » Après avoir bougé dans l’Est (Pontarlier, Besançon et Dijon) où il a mené ses études de STAPS, il basculé vers les bords de terrain en devenant Conseiller Technique Régionale en Poitou-Charente avant de diriger l’Equipe de France masculine des moins de 16 ans. Appelé par la FFR l’hiver dernier pour intégrer le nouveau staff de l’Equipe de France féminine, il définit son rôle comme un « conseiller technique et sportif placé auprès de la FFR avec comme mission principale d’entraîner l’équipe de France, » Aux côté de Samuel Cherouk, il s’est pleinement investi dans la mission que lui a confié Annick Hayraud, la manager de l’Equipe de France.
C’était un choix de votre part d’entraîner les féminines ?
Non pas du tout, on a été appelé par Annick Hayraud avec Sam (ndlr: Samuel Cherouk), on nous a présenté le projet qui se résumait à « 6 mois pour être Championnes du monde ». Donc on y est, et si on avait pensé que ce n’était pas possible, on ne l’aurait pas fait !
Comment avez-vous réussi à insuffler ce projet « 6 mois pour être Championnes » aux filles ?
En fait, il n’y a pas eu trop besoin de les pousser car elles étaient déterminées, c’est leur projet à la base. Nous, on est simplement là pour les accompagner dans ce projet. On l’a toujours dit avec Sam, notre rôle est de les mettre dans des situations chaotiques et de voir comment elles sont capables d’y vivre, de s’y adapter, de mettre en place leur jeu pour être Championnes du monde. Notre rôle est donc de leur proposer des climats, des situations et de voir comment elles mettent en place leur projet, leurs ressources, leurs qualités.
Vous surprennent-elles encore dans ces situations ?
Encore tout à l’heure sur le terrain, on a fait 4 séquences de 7 minutes à très haute intensité. C’est intéressant de voir comment elles sont capables de tenir. On est vraiment content de les voir s’épanouir dans ces situations difficiles. On leur a beaucoup parlé de langage du corps, d’avoir le sourire dans ces situations. Mais c’est aussi ça le sport de haut niveau, il faut arriver à gérer son stress, ses émotions.
En parallèle de la préparation physique vous avez donc aussi mis en place une préparation mentale. On vous entendait pendant l’entrainement leur dire « on lève la tête », « on sourit » …
C’est vraiment la base de notre projet en fait. On a tracé un cadre, qui s’appuie vraiment là dessus, avant même de parler de stratégie de jeu. On a construit notre projet sur des valeurs, un langage commun, des mots simples. D’ailleurs le mot Simple fait partie de notre projet de jeu : Simple, Vite et Fort, mais aussi Humbles et Affamées ! On a beaucoup parlé de plaisir, d’avoir le sourire dans les moments difficiles. C’est un travail basé sur les aspects mentaux, qui sont importants dans la performance.
Vous avez mis en place une préparation physique avec un format atypique, qu’est ce que ça a apporté à l’équipe ?
D’abord, il y a un gros travail de tout le staff sur cet aspect physique. C’est une vraie collaboration entre le pôle médical (le médecin, les deux kinés), les préparateurs physique et les entraîneurs, ainsi que les analyses de la performance. Tout le monde travaille donc ensemble pour quantifier le travail sur la charge physique. Anthony Couderc et Romain Huet (ndlr: les préparateurs physique) suivent à distance les joueuses grâce à un logiciel, ce qui nous permet vraiment d’avoir un retour sur ce qu’elles font quand elles rentrent dans leurs clubs. Le travail de collaboration a aussi mis l’accent sur tout ce qui est prévention, musculation, étirements, qui été aussi important que les entraînements terrain. Aujourd’hui, on est équipé de GPS donc toutes les filles sont quantifiées à chaque entrainement, on arrive à évaluer à chaque séance ce qu’on fait. Ça permet aussi de nous évaluer en tant qu’entraîneur puisque la question est de savoir si on a réussi à produire les situations qui reproduisent la compétition, et on sait si telle ou telle situation était adaptée ou non. Ces outils nous ont été très utiles. Il y a eu aussi beaucoup de préparation intégrée, c’est à dire beaucoup de rugby, avec en parallèle toujours de l’analyse de nos préparateurs physique pour savoir si nos situations étaient adaptées, si on avait retrouvé du rythme de match. Notre objectif est d’être au dessus des rythmes de match, pour que le « jour J, » on soit bien dans le rythme et qu’on ait même peut-être une petite marge.
Comment s’est passée la transition entre la fin du Tournoi, dont le résultat a déçu, et cette prépa de la Coupe du Monde où les filles ont les crocs et y vont pour gagner?
Forcément, c’est passé par un debrief. Il a fallu faire un retour de cette compétition. On a énormément travaillé avec le staff et les filles sur ce debrief. Mais il s’est passé plein de choses aussi pendant ce tournoi des 6 Nations. Le match en Irlande, avec cette défaite 13-10 dans des conditions compliquées a été vraiment utilisé et a fait grandir le groupe. Ça fait aussi partie de notre état d’esprit d’arrêter de parler de ce qu’il s’est passé, mais on l’utilise pour préparer la suite. A chaque fois, pour chaque match, on se disait « C’est fait, qu’est ce qu’on fait maintenant pour préparer le match suivant ? » et ça que l’on perde, que l’on gagne, que l’on fasse un bon ou un mauvais match. On ne reste pas sur ce qu’il s’est passé mais on débriefe et on prépare le match suivant. Pendant la Coupe du Monde, il y aura forcément des moments où ça sera bien et des moments où ça sera moins bien, mais nous travaillons à chaque fois pour préparer la suite.
C’est la stratégie que vous avez mis en place pour la Coupe du Monde ? Comme nous disait Gaëlle Mignot, vous n’avez que le Japon en tête et on verra par la suite pour les autres matchs?
Exactement, commençons par là ! Il y a un match à préparer donc notre dernier match était à Font Romeu contre l’équipe de France B, et de là on prépare le Japon. On voit ce qu’on a fait de bien ou de moins bien, et mettons en place des choses pour préparer la prochaine confrontation. On fera la même chose après pour l’Australie et pour l’Irlande.
Avez-vous suivi la préparation des autres équipes, qui ont fait des matchs amicaux notamment ?
On a suivi un petit peu, nous ne nous sommes pas trop focalisés dessus mais surtout concentrés sur notre groupe. On connait bien sûr les qualités des équipes que l’on va rencontrer, on sait très bien que le Japon est une nation qui travaille énormément, on les connait avec le rugby à 7 aussi, on les voit bien travailler. Nous les suivons comme ça, mais concentrons nous d’abord sur notre projet, soyons capables de jouer simple, vite et fort, et après on verra ce qu’il se passera.
Quel est votre objectif de la Coupe du Monde ?
C’est d’être Champions, clairement. C’est un objectif partagé par tout le monde, toutes les filles sont tournées vers celui ci.
C’est un objectif qui a été fixé par Bernard Laporte ?
Oui le Président a été clair à chaque fois qu’il a rencontré les filles, l’objectif pour la France qui est une grande nation de rugby est de remporter le titre. Il ne faut pas avoir peur de le dire, ce n’est pas manquer de respect aux équipes que l’on va rencontrer, bien au contraire. On en parle souvent avec le groupe et avec Sam : on peut être fiers, fiers d’être français, et à la fois être très humbles. Ce n’est pas deux mots qui sont opposés, on peut avoir le drapeau français et être très ouverts et respectueux de l’adversaire. C’est important d’être tous derrière nos équipes, et ramener un titre pour le rugby français serait super.