Caroline Wozniacki : « Je me suis réveillée un matin sans pouvoir sortir de mon lit »

Caroline Wozniacki : « Je me suis réveillée un matin sans pouvoir sortir de mon lit »

10 octobre 2020 Non Par la Rédaction

Retraitée des courts depuis l’Open d’Australie en Janvier, Caroline Wozniacki souffre de polyarthrite rhumatoïde. Elle nous a accordé un entretien exclusif pour parler de sa maladie et de sa carrière. Depuis Miami, l’ancienne numéro une mondiale de Tennis nous a expliqué comment elle s’engageait pour la recherche avec le Laboratoire UCB.

Par Virginie Bonnamy et Florian Polteau

Comment avez vous découvert que vous soufriez de polyarthrite rhumatoïde ?

J’ai gagné l’Open d’Australie en 2018 et tout allait bien. Plus tard dans l’année, j’ai commencé à ne plus pouvoir jouer à mon meilleur niveau et à me sentir moins bien mais c’est quand j’ai joué à Montréal que ça a empiré : je me suis réveillée un matin sans pouvoir sortir de mon lit. J’ai dit à mon mari : « je ne peux pas bouger, je ne peux rien faire, j’ai tellement mal » et il a dû m’aider à me lever et à préparer mes affaires. Je sentais que quelque chose n’allait pas et que je devais faire quelque chose pour y remédier : je suis donc allée consulter différents médecins et, finalement, j’en ai trouvé un capable de comprendre ce qui n’allait pas. J’ai appris que j’avais une polyarthrite rhumatoïde, ce qui nous a permis de décider d’un traitement et j’ai commencé à revivre. 

Comment l’avez-vous surmonté ?

Être suivie par un médecin et prendre un traitement, rester active sans en demander trop à mon corps comme je l’ai fait toutes ces années est le plus important. Diminuer le stress et bien dormir, manger correctement : tout ça me permet de me sentir mieux au quotidien.

Vous parlez d’alimentation, qu’avez vous-changé dans votre quotidien ?

Il y a un certain nombre d’aliments anti-inflammatoires, j’essaie donc de les incorporer à mes repas. Diminuer le sucre ou la viande rouge, ce genre de choses, aide aussi.

Qu’est-ce que vous trouvez le plus difficile ? La maladie elle-même (la douleur, la fatigue …) ou la difficulté à faire des plans alors que peut-être ce sera l’un de ces moments et que vous ne pourrez pas vous lever, ou autre chose ?

C’est un peu de tout ça. La fatigue est difficile à supporter parce que parfois, vous n’avez envie de rien faire, vous ne pouvez rien faire mais on apprend à vivre avec, à être plus indulgent envers soi-même. La douleur aussi est compliquée à vivre. Oui, c’est vraiment ça le plus difficile.

« J’ai mis beaucoup de temps à être diagnostiquée »

A propos du programme UCB, comment ça marche ?

La campagne s’appelle « Advantage Hers ». C’est vraiment une bonne chose : j’ai moi-même mis beaucoup de temps à trouver le bon médecin, à être diagnostiquée, et j’ai aussi eu des difficultés à trouver des informations en ligne. J’ai donc voulu aider à créer un site où les gens puissent trouver des informations. C’est l’objectif du site internet AdvantageHers.com : créer un site web où les gens obtiennent des informations, où ils peuvent faire partie d’une communauté, parler avec d’autres gens qui vivent avec des maladies inflammatoires chroniques.

C’est important de pouvoir trouver des informations et d’être soutenue afin d’obtenir de l’aide de la part de professionnels médicaux. Beaucoup de femmes ont du mal à prendre la parole pour elles-mêmes et à s’occuper de leur santé. Je voulais donc créer une plateforme où les gens peuvent être soutenus mais aussi inspirés par d’autres parcours, et avoir un endroit où ils peuvent obtenir toutes les informations possibles et où ils peuvent partager leurs expériences.

Ce n’est donc pas qu’un site internet, c’est une sorte de plate-forme d’échanges ?

Oui, exactement. J’ai partagé mon expérience, ce par quoi je suis passée et c’est intéressant d’écouter les autres partager les leurs. Ils peuvent aussi le faire sur mes différents comptes sur les réseaux sociaux.

Caroline Wozniacki - Tennis féminin - Sport féminin - Femmes de Sport
Touchée par la polyarthrite rhumatoïde, Caroline Wozniacki souhaite partage son expérience avec d’autres personnes atteintes.

Et vous aidez des gens à avoir un meilleur diagnostic en premier lieu ?

Oui, c’est exactement ce que j’aimerais faire, sensibiliser les gens à cette maladie car beaucoup de gens ne savent pas ce que c’est et qu’elle peut toucher n’importe qui.

Comment s’est déroulé ce partenariat ? Qui a fait le premier pas vers l’autre ?

C’était mutuel. Je voulais faire quelque chose à cause de ce que je vis. Je sais que j’ai la possibilité de m’exprimer publiquement et que ça peut contribuer à changer la vie des gens.  Les choses se sont faites naturellement et ça nous a permis de construire quelque chose ensemble.

Comment travaillez-vous ensemble ?

C’est une bonne expérience parce qu’évidemment, ils ont fait un gros travail de recherche. Nous nous sommes rencontrés pour parler de ce que je ressens, de mon parcours, ce genre de choses, et nous avons mis en place un programme pour sensibiliser les gens au fait d’être diagnostiqués et d’obtenir un traitement.

C’est basé sur le partage de votre expérience ?

Oui c’est quelque chose qui me touche de près parce que je le traverse aussi.

Vous avez stoppé votre carrière après l’Open d’Australie cette année. Vous avez annoncé votre décision un mois avant, et dit que ce n’était pas liée à votre maladie. Alors quand avez-vous pris cette décision et pourquoi ?

Je pensais à la retraite depuis un moment, mais quand le tennis a toujours été toute votre vie, ce n’est pas une décision facile à prendre. Mais j’étais sur le circuit depuis si longtemps que j’étais prête à faire autre chose, j’avais envie de passer plus de temps avec ma famille et mon mari. Vous savez, essayer d’être la meilleure joueuse du monde demande beaucoup de temps et d’implication. J’étais juste prête à utiliser mon temps autrement, à faire une pause, à “reprendre mon souffle”. 

« J’espère pouvoir faire plus quand le monde sera revenu à la normale, pouvoir voyager, rencontrer les gens. »

Avez-vous une idée de ce que vous allez faire désormais ?

J’ai plusieurs projets qui arrivent mais je ne peux pas vraiment en parler. A l’avenir, j’aimerais faire de la télévision, et puis à un moment donné, quand on sera prêts, nous voulons fonder une famille.

J’aime aussi beaucoup aider les gens, c’est une grosse part de ce que j’aimerais faire et c’est pourquoi la campagne Advantage Hers est si importante pour moi. J’espère pouvoir faire plus quand le monde sera revenu à la normale, pouvoir voyager, rencontrer les gens.

Qu’est-ce que vous avez ressenti après votre dernier match à l’open d’Australie 2020 ?

C’est difficile à décrire. Vous voulez aller le plus loin possible dans le tournoi mais en même temps, vous savez que chaque match pourrait être le dernier, c’est un peu étrange. J’étais heureuse et un peu triste, parce que c’était le dernier match de ma carrière. C’était beaucoup d’émotions en même temps mais il y avait surtout beaucoup de bonheur, d’excitation et de gratitude.

Tennis - WTA - Caroline Wozniacki

Ce n’était pas réellement le dernier match de votre carrière car vous deviez jouer un match exhibition d’adieu au Danemark contre Serena Williams en mai dernier. Ce match a du être reporté à cause du Coronavirus. Avez-vous une nouvelle date en prévision ?

C’est toujours en projet mais nous essayons de trouver le moment adéquat. Nous voulons qu’il y ait du public, évidemment, donc nous allons devoir attendre le moment où nous pourrons jouer dans un stade plein, dans lequel tout le monde sera en sécurité.

Quel est votre premier souvenir de tennis ? Quel âge aviez-vous ?

J’avais 7 ans et c’était dans le petit club de la ville où je vivais au Danemark. J’ai joué sur terre battue avec ma famille, et c’était vraiment un bon moment.

Est-ce que vous avez un modèle que vous admiré et qui vous a inspiré quand vous étiez une jeune tenniswoman ?

Côté tennis, j’admirais Martina Hingis et Steffi Graf. Elles étaient mes idoles, je voulais jouer au tennis comme elles, mais côté mode, j’adorais Anna Kournikova. J’aimais ses tenues, la manière dont elle s’habillait. Elle avait toujours l’air incroyable sur le court, j’avais toutes ses tenues !

Quelles sont les difficultés que vous avez rencontré pour arriver au tennis de haut niveau ?

J’ai toujours été une grosse travailleuse. Je pense que je travaillais plus dur que les autres joueuses, ça a toujours été assez naturel pour moi. Je voulais être la meilleure, et pour ça, j’étais prête à tout donner à l’entraînement.

La partie la plus difficile, c’est de continuer à y croire et à travailler quand les choses deviennent plus compliquées. Oui, c’est le plus dur.

Vous avez disputé votre première finale en grand chelem à l’US Open 2009, seulement 2 ans après votre arrivée sur le circuit. Etiez-vous préparée à ce que ça arrive aussi vite dans votre carrière ?

Je crois, oui !

Vous l’aviez planifié ?

Je ne crois pas que j’avais planifié quoi que ce soit. J’ai toujours pris les choses comme elles venaient, match après match, prête pour chaque adversaire. Je n’ai jamais trop fait de plans sur la comète. Je n’étais pas ce genre de joueuse qui pense à ce qui viendra après, je voulais juste faire de mon mieux et j’ai toujours pensé que les choses viendraient d’elles-mêmes si je jouais mon meilleur tennis.

« Quand vous êtes n°1 mondiale, vous êtes toujours la joueuse à abattre »

De 2010 à 2012, vous êtes restée 67 semaines numéro 1 mondiale, quels sont les secrets pour être aussi constante ?

Travailler dur et le mental. Pouvoir jouer au tennis, en être reconnaissante et ne pas abandonner, je crois que c’est ça, le secret. Quand vous êtes n°1 mondiale, vous êtes toujours la “joueuse à abattre”, mais je voulais tellement le rester que je voulais continuer à travailler plus dur que les autres.

Avez-vous été touchée à l’époque par les critiques qui mettait en avant le fait que vous étiez numéro 1 sans avoir gagné de titre en Grand Chelem ?

J’étais concentrée sur moi-même. Bien sûr, c’est pénible d’entendre sans arrêt les mêmes remarques, mais au bout du compte, je pense que beaucoup de joueuses auraient aimé être à ma place.

Vous avez finalement remporté votre premier tournoi du Grand Chelem en 2018 à l’Open d’Australie. Quel a été votre premier sentiment ?

De l’excitation, du bonheur et du soulagement : c’était beaucoup d’émotions. Vous savez, ça a été un sentiment incroyable de gagner ce titre du Grand Chelem.  

Quelle a été votre première pensée après cette victoire ?

Gagner sous les yeux de mon père, qui a été mon entraîneur depuis le début de ma carrière, avoir passé toutes ces années avec lui, c’était vraiment spécial, et j’en suis fière. Obtenir ces résultats et le faire avec ma famille, c’est incroyable.

Ce titre est-il votre plus beau souvenir de tennis ?

J’ai beaucoup de très bons souvenirs, mais oui, c’est définitivement l’un d’eux.

« Je me sentais plus à l’aise sur les courts en dur« 

Avez-vous des regrets concernant Roland-Garros ? Y a-t-il une année où vous êtes passée proche d’une meilleure performance ?

Je ne crois pas vraiment aux regrets. Je ne crois pas que je regrette quoi que ce soit même si plusieurs fois j’ai eu des opportunités. Cela étant, j’ai fait de mon mieux, j’ai essayé jusqu’au bout : c’est tout ce qui compte.   

Qu’auriez-vous changé dans votre jeu pour faire mieux sur terre battue durant votre carrière ?

Pfff, je ne sais pas, c’est une bonne question. J’ai essayé beaucoup de choses pour m’améliorer. Je me sentais plus à l’aise sur les courts en dur mais je me suis améliorée sur terre battue au fil des ans. J’ai fait tout ce qui était en mon possible pour être la meilleure joueuse sur terre battue possible.

Il y a beaucoup de jeunes qui montent, faire des prédictions est impossible mais si vous deviez mettre une pièce, sur qui vous la mettriez ?

Je n’ai pas vu beaucoup de jeunes joueuses jouer donc c’est assez difficile à dire mais je crois que Cori Gauff peut très bien jouer. Elle joue déjà très bien, on devrait entendre parler d’elle à l’avenir.

Caroline Wozniacki - Tennis féminin - Sport féminin - Femmes de Sport
Le programme Advantage Hers et Caroline Wozniacki participent à la reconnaissance de la polyarthrite rhumatoïde.