Gomez : « Nous avons vécu un véritable drame humain »

Gomez : « Nous avons vécu un véritable drame humain »

14 novembre 2013 Non Par notre partenaire LadyHoop.com

Francois_1Ladyhoop : Bonjour François, comment allez-vous ?

François Gomez : Très bien

Ladyhoop : Rentrons dans le vif du sujet ! La fédération a récemment autorisé Perpignan à réintègrer la Ligue 2. Etes-vous satisfait de cette décision ?

F.G : Ecoutez, je suis à Perpignan depuis deux ans. Il faut rappeler que je suis entraîneur de basket et salarié. J’ai travaillé pour un certain nombre de personnes, et sur le plan sportif tout s’est bien passé. Quand on a eu nos petits soucis, que je ne pensais pas aussi importants, je suis resté solidaire du projet qu’on avait construit. Effectivement, j’ai participé au dur combat de cet été qui a été compliqué à vivre pour les anciens dirigeants et aux salariés qui sont restés. Malgré la difficulté, on est content de voir que la justice nous redonne la possibilité de reconstruire le projet. On a eu la possibilité de choisir la Ligue 1 et la Ligue 2, on a donc opté pour la Ligue 2 avec un nouveau projet, voir ce qu’on peut faire de nouveau à Perpignan sur le basket féminin. En tout cas, à titre personnel, je suis très content !

Ladyhoop : Justement, personnellement, comment avez-vous vécu cet été ?

F.G : Très mal ! Vous savez, j’ai une petite famille, et quand on sait ce que l’on va devenir si votre entreprise sera liquidé ou pas, comment rebondir professionnellement. ce n’était pas évident pour moi. J’étais à la fois en cohésion totale avec Perpignan pour que le club continue d’exister, et en même temps j’étais à la recherche d’un nouveau projet. Vous n’êtes pas censé ignorer que j’ai eu une proposition de Lyon. J’avais été très clair avec eux ! J’avais des priorités, je devais rester à Perpignan tant que les affaires n’étaient pas résolues, ce qui m’empêchait de m’engager. Donc j’étais un peu partagé entre la volonté de continuer à Perpignan et la possibilité de rebondir à Lyon pour continuer ma carrière d’entraîneur, si les choses se passaient mal.

Ladyhoop : Aviez-vous toujours confiance en vos dirigeants ?

F.G : J’avais confiance dans le fait que nous puissions régler un certain nombre de problème. Il y a eu quelques moments de doute, mais sur la globalité et dans la difficulté je suis toujours resté la tête hors de l’eau et avec toujours l’espoir de s’en sortir. Aujourd’hui, on est rétabli dans nos droits, malgré les aléas qui nous ont amenés à ces gros soucis.

Ladyhoop : Quelles ont été les préjudices de cet été ?

F.G : Les préjudices sont énormes chez nous ! On a beaucoup parlé de l’équipe professionnelle qui arrivait de Ligue 2 et qui a fait un excellent championnat l’an passé en terminant 3e ex-equo avec Lyon avec un effectif composé de 10 joueuses. On a quand même perdu tout notre effectif, mis à part une seule joueuse. Après, il y a eu également des préjudices sur le centre de formation qui avait atteint les demi-finales du championnat de France, qu’on construisait depuis deux ans. On a eu une vingtaine de jeunes filles qui sont toutes parties, car cet été on ne pouvait leur garantir que la formation puisse exister. On s’est quand même retrouvé « sans personnel ». Les choses sont assez compliquées, seulement quatre employés sont restés dans le bateau : mon assistant, l’entraîneur du Centre de Formation, une joueuse pro et moi-même.

Ladyhoop : Parlons basket ! Votre effectif est-il au complet ? Pouvez-vous nous en dire plus sur l’équipe de Perpignan version 2013-14 ?

F.G. : La construction de l’effectif sera définitive d’ici 15 jours, puisqu’on est censé débuter contre Strasbourg. L’équipe a été reconstruite autour de trois joueuses, qui elles aussi sont restées fidèles au club. Pauline Lo, par la force des choses puisqu’elle est encore sous contrat, Elodie Bertal qui a accepté de revenir jouer dans mon équipe, et Fatou Dieng qui est rentrée du Sénégal vendredi. A ces trois joueuses qui étaient dans l’effectif l’an passé, on y rajoute quatre joueuses françaises qui étaient sans emploi, puisque ma volonté était de pouvoir offrir à des joueuses de pouvoir jouer et travailler. Il faut savoir une chose, parmi ces joueuses, elles m’ont toutes contacté et non le contraire comme j’ai pu l’entendre, elles cherchaient simplement un boulot et si ça continuait à Perpignan, elles étaient prêtes à me rejoindre. Ce sont donc des basketteuses qui ont envie de travailler avec moi. J’ai connu deux de ces joueuses au Centre Fédéral, Margaux Okou qui m’avait contacté dés le mois de juin et qui a eu la patience d’attendre puisqu’elle voulait absolument me rejoindre, Laurie Datchy que j’ai eu à l’INSEP qui m’a également contacté. A cette liste, on peut rajouter Fabienne Constant de Nice qui était également sans emploi et m’a sollicité en milieu de l’été, et Fred Ayissi qui, depuis peu sans emploi suite à la liquidation de Saint-Etienne, s’est retrouvé à la rue (d’ailleurs, j’en profite pour avoir une pensée à son ancien entraîneur, Sébastien Nivet).

Ladyhoop : Où en est votre préparation ? Perpignan sera-t-il prêt le 23 novembre ?

F.G : On en est à rien du tout ! Pauline Lo s’est entraînée toute seule un peu chaque jour. On a accueilli Margaux et Laurie, il y a 3/4 jours à Perpignan. Elodie Bertal est sur Montpellier, donc elle n’est pas loin. Fatou est, quant à elle, rentrée du Sénégal il y a quelques jours. Et puis Frédérique et Fabienne sont arrivées dimanche pour notre premier entraînement. On aura donc très peu de temps. On a un effectif très réduit, et on n’a pu récupérer des jeunes joueuses du centre de formation qu’on  avait chez nous l’an passé qui sont parties vers d’autres cieux. On va également rentrer dans un championnat dans lequel nous serons mal accueillis, et dans lequel nous serons confrontés à un certain nombre de difficultés. Je crois que les gens ne se rendent pas compte de la difficulté de vivre dans une telle situation. Elle a été très compliquée à vivre, nous avons vécu un véritable drame humain, on a souffert tout l’été. Aujourd’hui, ceux qui ont échappé à tout, ils en sortent un peu plus fort. Cela ne nous fait pas peur de commencer un championnat avec seulement deux semaines de préparation et dans lequel les équipes sont déjà rodées. On va le faire et on va se battre dans un contexte difficile.

Ladyhoop : Jouer son premier match de la saison à domicile vous permettra également de retrouver votre public !

F.G : La première décision prévoyait que l’on se rende au Havre lors de la première rencontre. La décision a été changée, je pense à la demande du Havre qui n’avait pas la salle, qui se trouvait dans une situation compliquée. La fédération a donc revu sa position et a décalé notre rentrée à la semaine suivante. C’est donc une décision qui appartient à la Fédération. Je peux vous assurer que ce n’est pas un cadeau, comme j’ai pu le lire. On ne nous a pas fait de cadeau, on nous donne une semaine de plus, tant mieux. Effectivement, on aura plaisir à retrouver notre gymnase, et surtout retrouver le public qui était présent la saison dernière. c’est plutôt une bonne nouvelle !

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Ladyhoop : Quels seront vos objectifs cette année ?

F.G : Un maintien ! Aujourd’hui, on n’est pas dans l’idée de revenir avec une revanche. Le Perpignan Basket avait construit en deux ans un projet plus qu’intéressant. Ce projet est mort de sa belle mort, et on est reparti sur autre chose. On a ainsi constitué une équipe dans l’urgence, on a fait comme on pouvait. On va intégrer un championnat dans des conditions extrêmement difficiles, et sportivement il faut rester humble. On a récupéré des filles d’un bon niveau de Ligue 2, et si la mayonnaise prend, on aura une équipe compétitive pour assurer un maintien et réfléchir d’un projet à construire à moyen terme pour revenir au plus haut niveau dans le basket féminin.

Ladyhoop : Les clubs de Ligue 2 ont donc décidé de boycotter l’équipe de Perpignan. Comprenez-vous cette décision ?

F.G : C’est leur problème ! Je crois qu’il faut remettre les choses à leur place. Une décision de justice a été prise, et si aujourd’hui des individus avec des responsabilités qui sont des présidents de club se disent être au-dessus des lois, je crois qu’il va falloir qu’ils assument leurs positions et leurs responsabilités. La deuxième chose, il faut aussi voir l’endroit du décor, puisqu’ils ne voient que l’envers du décor. L’endroit du décor, c’est quoi ? Ce sont des salariés d’une entreprise qui ne vont pas aller pointer au chômage et j’en fais partie, Donc, merci à la justice de maintenir nos emplois en vie. On a effectivement une dette dont on ne connait pas le montant, car je vois pas mal de montants annoncés un peu partout, puisque la dette sera déterminée en 2014. Merci à la justice de permettre aux gens de payer une dette et de pouvoir la rembourser. L’ensemble des créanciers est très content que le Perpignan Basket continue d’exister pour pouvoir être remboursés de leurs créances. Je pense que c’est une décision juste qui a été prise en direction des salariés et des créanciers.

Ladyhoop : Que répondez-vous à ceux qui ont critiqué votre situation financière ?

F.G : Je vais vous donner un exemple. Demain les clubs de football espagnols décident de refuser de jouer contre le Real et le Barça. Vous connaissez la dette du Real et du Barça ? Ça se calcule en centaines de millions d’euros. Alors si tous les présidents espagnols les boycottaient, je crois qu’ils friseraient le ridicule. Si aujourd’hui on devait boycotter toutes les entreprises en difficulté ou qu’on empêche les foyers sur-endettés de travailler suite à des erreurs de gestions qui sont maintenant dans la misère, on vivrait vraiment dans le ridicule; Il faut vraiment mettre leurs choses à leur place, on ne parle pas de tricherie, j’ai des dirigeants qui ne sont pas encore condamnés et qui n’ont pas de casiers judiciaires. Alors je ne vois pas pourquoi des individus qui se permettraient de se placer au dessus des lois; Je trouve qu’on se trompe de cible, car certains responsables n’ont pas pris le problème comme il fallait le gérer. Les instances fédérales ne font pas que sanctionner, elles accompagnent et aident également les clubs. Ces présidents devraient revoir leur point de vue par rapport à la loi et par rapport à l’aspect moral. Si on peut rembourser nos dettes quelque soit le temps que l’on mettra, c’est plutôt une bonne nouvelle en soi. Et ensuite, qu’ils reviennent sur les véritables responsables de cette affaire qui sont toutes partagées.

Ladyhoop : Qu’attendez-vous de la Fédération dans cette situation ?

F.G : Rien ! La fédération doit être le relais des décisions de justice qui ont été prises. Une fédération possède des délégations de pouvoir, d’un ministère des sports qui fait partie de l’Etat français. La décision est tout de même juridique. Maintenant, il faut respecter la loi et faire respecter les décisions de justice et ne pas créer un système anarchique.

Ladyhoop :  Avec six matchs de retard, avez-vous des indications à nous apporter sur votre calendrier sportif si particulier ?

F.G : Le calendrier a été dévoilé vendredi et vous vous apercevrez qu’on nous a placé quelques matchs en semaine et d’autres matchs sur des weekends de Coupe de France. La majorité des clubs de L2 ne participeront pas à cette compétition. Ce calendrier peut certes embêter des clubs de Ligue 2. La séance de rattrapage sera étalée sur toute la saison, puisque des matchs de retard seront joués en février et en mars. De notre côté, on avait pensé initialement que tout se jouerait jusqu’en décembre. Cela s’est fait autrement, et ce sera donc sur une plus longue période. J’imagine que le but était d’éviter de mettre en difficulté les clubs de Ligue 2, ce que je comprends totalement, qui n’avaient pas budgétés un déplacement à Perpignan ou qui ne l’avaient pas prévu dans leurs calendriers. Je comprends que ces clubs ne soient pas contents, mais c’est la cible qui me dérange. Qu’on devienne l’ambulance sur laquelle on tire alors qu’on a déjà les genoux à terre pour nous frapper au sol.

Ladyhoop : Pour terminer, avez-vous un petit mot à rajouter ou un message à faire passer ?

F.G : S’il y a un message à rajouter, je tiens à dire que si aujourd’hui nous sommes mal accueilli dans la division, les clubs seront bien reçus chez nous, à Perpignan il y a le sens de l’hospitalité. On est content de revenir. Nous n’avons aucune rancune vis-à-vis de qui que ce soit, on peut même comprendre un certain nombre de choses. On est content de revenir aux affaires, sur le terrain et revenons au sport. Si par malheur, nous étions mal reçus ou qu’on s’en prenne au staff et aux joueuses, je serais vraiment déçu des dirigeants du basket français.

Photos : Romain Chaïb

 

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