Irène Ottenhof : « C’est le match des clubs champions ! »

Irène Ottenhof : « C’est le match des clubs champions ! »

19 octobre 2014 Non Par Florian Polteau

Irène, en tant que directrice de la LFB, comment vous évaluer ce championnat cette saison ? Comment jugez-vous son évolution ?

Je ne peux avoir qu’une évaluation sur les effectifs et le dynamisme des clubs. Je pense qu’on va assister à une saison intéressante dans la mesure où elle est dense et très compacte. Les effectifs de la Ligue Féminine sont plutôt équilibrés. A mon sens, il y a 6 équipes qui vont pouvoir disputer les premiers rôles de manière très ouverte. Je pense qu’il y aura pas mal de suspens au cours de la saison. Sur l’autre partie du championnat, l’avantage non négligeable des clubs qui ne joue pas de Coupes d’Europe, soit un seul match par semaine, risque de se faire sentir dans le courant de la saison, à partir de la trêve. Parce que quand on joue l’Eurocoupe ou l’Euroligue et qu’on va jouer deux fois par semaine, on peut avoir quelques surprises intéressantes derrière.

Structurellement, certains clubs ont été en difficulté cette saison, Nantes, Lyon et plus largement Perpignan aussi. Ces exemple sont souvent synonymes de mauvaise gestion et financiers, comment vous évaluez ça à la LFB ?

Déjà à la LFB on ne les évalue pas puisque c’est au sein de la Fédération que ça se passe, il y a une commission, la Commission de Contrôle de Gestion. Alors même si on mène un travail en commun parce qu’on est informé de la situation des clubs, je souhaite souligner qu’il y a vraiment une autonomie dans la CCG. Il y a une confidentialité qui est très importante au regard de la situation des clubs qui n’ont pas envie qu’on déballe sur la place publique leurs comptes. Donc je n’ai pas d’évaluation particulière à faire. En revanche, parmi les clubs cités, il y a des différences. Il y en a qui accumulent des situations nettes avec quelques difficultés et on a le cas de Nantes qui est différent. Ça a été un incident assez soudain et assez subi (NDLR : Nantes a perdu son sponsors/partenaire principal et a failli disparaitre) mais qui ne caractérise pas une mauvaise gestion depuis plusieurs saisons. Par rapport à la Ligue Féminine, le bilan qu’on peut en faire est que malgré tout, la LFB se porte bien et les clubs font beaucoup d’effort pour respecter les exigences de la Fédération comme la mise en place du fond de réserve, c’est important de le dire. Donc je trouve que c’est positif.

Quels sont les systèmes que vous mettez en place pour éviter ce genre de situation et quel est le suivi quotidien avec les clubs ?

Encore une fois c’est la CCG qui s’occupe de ça mais les clubs sont auditionnés plusieurs fois dans la saison. Il y a des points d’étapes qui sont des évaluations intermédiaires. C’est-à-dire que le rôle de la Fédération en ce sens, c’est d’accompagner les clubs, prévenir en cas de problème, guider. Il y a vraiment une démarche pédagogique de la CCG.

Au-delà de ces clubs en difficultés, la LFB est une ligue qui se porte plutôt bien par rapport à la chute des Championnats Espagnols et Italiens, c’est aussi ça la force des règles mises en place ?

En effet, la grande grande force du championnat en France, c’est que les clubs continuent à vivre et à exister, certes grâce à l’argent publique, mais aussi grâce à la recherche de partenariats. Une des caractéristiques des championnats espagnols et italiens, c’est qu’ils subissent la crise de plein fouet. Je citerai également les championnats turques et russes qu’on ne ciblent pas comme des championnats en difficulté mais ils n’ont rien de comparables avec la LFB. Ils y a certes des grosses locomotives avec des moyens financiers considérables mais le reste du championnat n’y est pas aussi relevé, ni aussi dense qu’en LFB.

Il y a deux ans, la présidente de la Ligue Féminine de Handball nous disait que les joueuses de bon niveau international commençaient à regarder vers le championnat de France car on avait l’avantage de les payer en temps et en heure. Entre la promesse de toucher beaucoup et l’assurance de toucher un peu moins, les joueuses semblent faire le second choix, de plus en plus, et c’est plutôt bon pour nous non ?

Effectivement, la plus grande force des clubs français est d’avoir une couverture sociale, que les clubs tiennent leurs engagements et quand une française ou une étrangère joue en France, elle a une sorte de sécurité liée au droit du travail. Alors c’est vrai que les salaires ne sont pas aussi mirobolants que la Chine, dont on entend beaucoup parler en ce moment, ou qu’en la Russie, mais j’insiste uniquement pour tous les meilleurs clubs. En France, il y a une sécurité.

La LFB est un championnat qui semble stable aujourd’hui, en témoigne cette 10e édition de l’Open LFB, exemple d’une belle réussite qui a été repris un peu partout en Europe, même la WNBA y a songé à un moment…

Tout à fait. C’est une grande chance de pouvoir organiser un 10ème anniversaire. C’est une grande chance car à l’origine, ce concept a été pensé par Jean-Pierre Siutat et a continué à être mis en musique par la suite. Les cinq premières années, c’est de la construction. Il faut bâtir, mettre les gens ensemble, faire comprendre aux clubs que cet Open est dans leur intérêt. Après, c’est toujours aussi difficile car si on a galvanisé et fidélisé un public, c’est toujours plus compliqué de le fidéliser en s’améliorant qu’en faisant découvrir quelque chose de nouveau. Donc le challenge est important. Et effectivement c’est un concept qui a été repris dans quelques pays.

Justement l’innovation de l‘année c’est le Match des Champions cette année pendant l’Open, pouvez-vous nous en dire un mot ? Comment est venue l’idée ?

Le concept n’est pas novateur car il existe dans certains sports et notamment la Ligue Nationale de Basket (championnat masculin). Mais il est né de la volonté d’offrir au match qui est télévisé lors de l’Open, un match avec une grande qualité de jeu. Initialement, le match phare de l’Open qui était inscrit dans les règlements, c’était le Champion de France de LFB, contre le promu de LF2. A part quelques années où on a pu avoir un choc intéressant, la plupart du temps l’accédant de Ligue 2 a un certain temps de mise à niveau sportif et budgétaire. Du coup, on montrait le samedi soir sur Sport+, un match où il pouvait y avoir 20 ou 30 points d’écart. Pour le fan de basket, il regarde le match, il cherche à prendre un peu ce qu’il y a d’intéressant. Mais pour quelqu’un qui est chez lui le soir et qui zappe pour regarder du sport, ce n’est pas la meilleure des publicités. Donc on a repris ce concept avec l’idée d’un vrai choc sportif, de montrer du basket de haut niveau et avec notamment les joueuses de l’Equipe de France sur le terrain.

L’appellation de ce match a été critiquée sur les réseaux sociaux et certains blogs. Alors pourquoi un Match des Champions et non un Match des Championnes ?

Effectivement, on a été critiqué j’ai vu ça et il y a eu des réponses un peu dans tous les sens. Certaines réponses sont très intéressantes car elles vont dans le sens de la LFB et de la réponse que j’ai à donner. Je tiens d’abord à préciser qu’en tant que directrice de la Ligue, que femme qui dirige la Ligue Féminine, je mets un point d’honneur à protéger les femmes, le rôle des femmes, leur statut, qu’elles soient joueuses, dirigeantes, entraineures et je pense participer à cette promotion. Néanmoins, je ne suis pas dans la volonté de féminiser en compartimentant, ni par du lobbying. Pour en revenir au titre de ce match, avec Edwige Lawson-Wade qui est vice-présidente de la Ligue Féminine de Basket, on s’est interrogées, il y a une vraie réflexion. L’argument est simplement logique : les deux équipes qui se rencontrent sont deux clubs, le Champion de la saison n-1 contre le vainqueur de la Coupe de France de la saison n-1. Ce ne sont donc pas les filles qui sont sur le terrain qui sont Championnes de France ou vainqueurs de la coupe de France, mais ce sont les clubs. Dons la réponse est syntaxique : c’est le match des clubs champions.

Ce match participe à la visibilité du basket féminin. Quelles sont les actions que la LFB met en place pour accroitre cette visibilité cette saison ?

L’année dernière ça été une vraie nouveauté avec la mise en place du match Championnes de Cœur. Un grand match de gala, sur le concept du All Star Game avec une ou deux joueuses maximum qui représente leur club mais sans qu’il y ait d’enjeu sportif. Par contre, il y a un enjeu de communication, il y a surtout un enjeu social. Cette manifestation est le prolongement des actions « Marraines de cœur » qui sont organisées un peu partout sur le territoire par les clubs. Et ça permet de soutenir une cause nationale. L’an dernier nous avons soutenu l’UNICEF sur un programme  d’éducation au Niger, et je tiens à préciser que ce sont 9540 euros qui ont été récoltés à cette occasion. Donc nous allons avoir une deuxième édition cette année avec cet évènement que nous souhaitons péréniser et qui se déroulera le week-end du 8 mars 2015 dans le cadre de la journée de la femme. L’année dernière c’était à Toulouse et on vous dévoilera très bientôt où ce sera pour cette saison.

Aujourd’hui, les droit du championnat son détenus par Sport + mais sa mise en avant n’est pas encore aussi bien exposée avec quasiment un match par journée au hand sur la même chaîne ou le foot féminin sur Eurosport par exemple. Est-ce que c’est quelque chose que vous travaillez avec la chaîne ? Et pourquoi pas à un moment avoir une meilleure visibilité sur une autre chaîne ?

A ce sujet on est complètement dans les clous sur la visibilité. Notre diffuseur c’est le groupe Canal+ qui détient les droits exclusifs. Je tiens à préciser quand même qu’on était à n-2, à quelques matchs par saison, de mémoires à 4 ou 5 matchs en comptant la Coupe de France et les play-offs. La saison dernière, 16 matchs de la Ligue Féminine ont été diffusés. Il y a un vrai travail avec Canal sur le choix des affiches. L’ambiance est très bonne, Canal est très à l’écoute et le choix a été fait pour l’instant de ne pas diffuser un match par journée mais plutôt de cibler des affiches qui vont intéresser des fans et le grand public.

Vous êtes-vous êtes non seulement directrice de la LFB, et aussi responsable du haut niveau en NM1 et LF2, mais également assistante en EDF 3×3, comment arrivez-vous à cumuler toute ces casquettes ?

D’abord on change de casquette plusieurs fois par jours. Parfois par heure en période de Championnats du Monde comme ça a été le cas cet été. Personnellement, je le vis très bien puisque j’ai la chance d’exercer ma passion. Quand je dirige la Ligue Féminine, j’ai l’impression de participer au développement du basket féminin et quand je change de casquette et que je mets mon bleu de travail : short, casquette et ballon en main, je renoue avec mon expérience de cadre technique puisque je suis cadre technique de la Fédération Française de Basket, je suis brevet d’état 2e degré. Je suis arrivé à la LFB par ce biais, en tant directrice technique en charge des équipes de France féminines de 3×3. Donc l’emploi du temps, je ne peux pas vous le donner dans le détail. Ce qui est sûr, c’est que quand les autres se reposent, c’est-à-dire, le soir, le week-end et les vacances, je continue.


C’est un boulot 24/24. Est-ce que vous arrivez à trouver des périodes de repos où vous lâchez un peu, ou vous vous lâchez un peu aussi ? Ou est-ce que vous êtes connecté en permanence ?

Alors j’ai appris à lâcher oui. J’ai appris à le faire. Je suis quelqu’un de passionné donc j’ai tendance à donner beaucoup dans mon travail mais je suis bien entourée. Les permanents à la Ligue Féminine font un travail remarquable, et j’ai la chance d’avoir des élus qui font un boulot monstre comme Philipe Legname et Edwige lawson-Wade en tant que Vice-Présidente qui apporte toute son expérience d’ancienne joueuse et toute son analyse du basket de haut niveau. Oui je peux trouver du repos, j’essaie d’aménager ça. Le secret c’est la capacité à déléguer, à laisser faire les autres, et à prendre du recul.