Samantha Davies, une solitaire en équipage

Samantha Davies, une solitaire en équipage

29 juin 2015 Non Par Florian Polteau

Cette semaine s’est terminée après 9 longs mois de tour du monde la Volvo Ocean Race. Aux commandes du seul équipage 100% féminin de cette édition 2014-2015, le Team SCA, la navigatrice solitaire Samantha Davies, pas préparée à mener une équipe il y a encore deux ans.

Samantha Davies est une navigatrice solitaire. Avant cette expérience de la Team SCA et de la Volvo Ocean Race, sa seule expérience 100% féminine datait de 1998 avec le Trophée Jules Verne avec Tracy Edwards aux commandes du maxi catamaran Royal & SunAlliance. « La direction de la Volvo Ocean Race encourage la mixité mais si j’avais le choix, je resterais dans un team 100% féminin » a expliqué la navigatrice lors d’une table ronde organisée à Lorient par son sponsor. « J’ai déjà fait du mixte, ça marchait super bien, on était tous complémentaires. Mais là, sur des étapes qui durent 4 semaines, ce serait trop compliqué, notamment pour l’intimité qui n’est pas la même. » Voilà qui pose d’emblée les choses. Surtout, elle n’était pas prédestinée à être skipper d’une équipe. Elle qui a battu plusieurs records en solitaire dont la traversée de la Manche et le tour des Iles Britanniques et qui a participé à de nombreuses courses en solo comme la Transat Jacques Vabre, la transat Anglaise ou le Vendée Globe (4e en 2008) restait sur une dernière expérience ratée. Lors du Vendée Globe 2012-2013, elle est contrainte à l’abandon après seulement une semaine de course et un démâtage. Alors quand SCA vient la chercher pour monter une équipe 100% féminine pour la Volvo Ocean Race, elle n’est pas séduite tout de suite, enfin pas pour être chef d’équipe. « Je suis plutôt une navigatrice solitaire, pas un manager au départ. Je ne voulais pas avoir ce poids du management. » Sauf que SCA souhaite monter une équipe et organise pour cela un très large tour d’horizon. 400 filles sont auditionnées par le Manager Richard Brisius et son équipe de recrutement, entre 40 et 50 testées pour seulement une petite quinzaine à sélectionner et très vite, son profil et son expérience font d’elle le leader naturelle du bateau. « J’ai compris rapidement que mon rôle serait celui de skipper car l’équipe était trop inexpérimentée. » En effet, la Team SCA comprend des filles de tous horizons qui apportent chacune une expérience différente collant parfaitement aux conditions différentes des étapes et des conditions de courses, mais pas une seule n’est aussi expérimentée qu’elle.

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Leader par défaut, mais leader entourée

L’organisation du team veut réussir, sait qu’il faut que ce soit elle qui prennent les commandes du bateau. Et met tout en œuvre pour qu’elle soit dans des conditions optimales. « SCA m’a beaucoup aidé dans les demandes que j’avais par rapport à la gestion de l’équipe. J’ai eu beaucoup de soutien à terre pour organiser tout ça, ça m’a enlevé un poids. » Pour elle, il est trop difficile de tout gérer. Elle le sait et en fait part au Manager de la Team, Richard Brisius « C’est facile de travailler avec Samantha, de l’accompagner. Avec toutes les filles en fait. Oui nous avons faits les bons choix, mais vous savez, elles sont aussi des professionnelles. Cette expérience est très enrichissante pour tout le monde. » Enrichissante, oui mais pas seulement. Il a fallu prendre le relai de la navigatrice sur des choses qu’elle ne pouvait ou ne savait pas gérer. « Ils ont pris le relai sur des choses dont je n’avais pas l’habitude comme gérer un équipage à terre ou annoncer aux filles qu’elles n’allaient pas prendre part à une étape. » Sur le bateau, il a fallu apprendre à déléguer. La navigatrice est une solitaire, elle a l’habitude de tout gérer. « Il a fallu apprendre à déléguer, faire confiance aux autres et se déshabituer à tout faire. Certaines m’ont dit : « Sam laisse nous faire, tu n’es plus en solitaire. » Ça n’a pas été simple de l’intégrer car on veut toujours que les choses soit faites comme nous on les ferait. » Heureusement, Sam apprend vite et bien. Notamment dans la communication : « quand on est seule en mer, on n’est pas obligée de parler ou de communiquer. Là il y a des instructions à faire passer. » Et dans une équipe aussi large, les amitiés ne se font pas forcément, mais au moins elles partagent une expérience commune, qui les rassemble et les rend plus unies : « Je ne suis pas amie avec toutes les filles mais il est clair qu’aujourd’hui, nous avons toutes un lien, une solidarité entre nous s’est créée. C’est notre point fort ! »

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Ce point fort permet surtout au Team SCA de décrocher la première victoire d’un team 100% féminin sur la Volvo Ocean Race. Sam Davies mène ses filles à la victoire lors de la 8e étape de la course entre Lisbonne et Lorient. Tout un symbole pour son sponsor qui avait mis de gros moyens dans le port breton pour les accueillir, la France étant le 2e marché de ses marques (voir encadré ci-dessous). « Il y a une portée symbolique dans cette victoire » explique la skipper. « Des hommes ne l’ont jamais fait de toute leur carrière. On ne va jamais oublier ça. » Une victoire qui s’est dessinée lorsque le bateau des filles a pris une autre route que les autres pour rallier la Bretagne. Un coin que beaucoup d’entre elles connaissent surtout pour y habiter tout au long de l’année comme Sam Davies mais aussi Liz Wardley : « C’est clair, on était plusieurs à bien connaître la région, et le parcours, » explique la native de Papouasie Nouvelle Guinée. «  Quand on a dû passer le Cap Finistère, c’était clair qu’on savait comment ça se passerait, on connaissait bien la météo et les spécificités du parcours. » Malgré cela, Sam Davies n’a pas réalisé tout de suite qu’elle avait mené ses filles au succès : « Je me suis surtout rendue compte que de cette victoire quand j’étais sur le ponton et qu’il y avait tout ce monde autour de moi. Puis à la conférence de presse où j’étais la première. D’habitude, j’arrivais quand il n’y avait déjà plus personne ! (rires) »

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La famille, jamais très loin

Cette victoire, elle la partage volontiers avec son équipage, son équipe au sens large et surtout avec sa famille. La Volvo Ocean Race est une course qui demande des sacrifices. Elle dure près de 9 mois mais en comptant le recrutement, les entrainements et toute la préparation de la course, on compte en année. « Les autres filles ont bien compris que les 3 mamans sur le bateau avaient parfois besoin de passer du temps avec leur famille. Heureusement qu’on n’est pas toute mamans par contre ! (rires) » En effet, SCA met tout en œuvre pour que les mamans du bateau se sentent bien et organise les transferts de leur famille sur certaines étapes. Et même lors des entraînements aux Canaries où Sam Davies a pu passer du temps au soleil avec son fils Ruben, né en 2011 de sa relation avec un autre navigateur, Romain Attanasio. « Tout s’est super bien passé, tout était bien organisé avec les enfants. Aujourd’hui on s’est organisé avec son papa et ses grands-parents. Je suis heureuse qu’il soit toujours avec quelqu’un qu’il aime et j’ai l’impression qu’il est heureux lui aussi. » Une joie que l’on retrouve dans son attitude. On sent la skipper de Team SCA  bien dans sa peau et bien dans sa tête. Au top pour (peut-être) retenter l’aventure dans deux ans.

La victoire de l’étape 8 Lisbonne-Lorient en vidéo :

La Volvo Ocean Race en quelques mots :

7 équipes
8 marins + 1 media man par bateau
11 marins + 1 media woman par bateau 100% féminin

Obligation des équipages :
entrainement à la sécurité, certificat de premiers soins, examens médicaux et dentaires, au moins 2 membre par équipe doivent avoir un entrainement médical, au moins 2 membre par équipe doivent obtenir un certificat de communication numérique, chaque équipe doit avoir couru au moins une fois 3 700 km (2 000 miles nautiques) en une seule fois avant le départ de la course.

Le bateau :
Volvo Ocean 65. Même modèle pour toutes les équipes afin de : réduire les couts, améliorer la compétition, avoir des voiliers plus performantes, optimisation médiatique (communication, médias, transmissions de données)

Edition 2014-2015 :
9 étapes, 11 villes
Départ Alicante (Esp) le 4 octobre 2014
Arrivée Göteborg (Sue) le 27 juin 2015
38 739 milles nautiques

Les Femmes dans la course :
1989-1990 : Maiden – skipper Tracy Edwards – Première équipe 100% féminine à participer
1993-1994 : US Women’s Challenge – skipper Nance Franck
1997-1998 : EF Education – skipper Christine Guillou
2001-2002 : Armer Sports Too – skipper Lisa Charles
2005-2006 : Adrienne Calahan, dernière femme à avoir participé à l’épreuve (avant 2014-2015) au sein du team Brasil 1
2014-2015 : Team SCA – skipper Samantha Davies – Première équipe féminine à remporter une étape (2015)

 

SCA c’est qui, c’est quoi ?

SCA est à l’ origine une coopérative suédoise des industries du bois. Au fil du temps, le groupe est devenu un des leaders mondiaux des produits d’hygiène et des produits de la forêt. Aujourd’hui, plusieurs marques que les français utilisent au quotidiens font partie du groupe SCA : Okay, Nana, Tena, Lotus, Demak’up ou encore Tork (produits professionnels). Présent dans 100 pays et fabriquant dans une soixantaine, le groupe SCA s’est lancé dans l’aventure sportive afin de faire connaître la maison mère de ses marques et produits. 80% des produits des marques SCA étant achetés par des femmes, le sponsoring d’une équipe de voile 100% féminine est vite devenue une évidence pour le groupe. SCA est également partenaire d’évènements running tels qu’Odysséa et la Parisienne ainsi que de la Croix Rouge en fournissant des kits d’hygiène gratuits à destination des sans-abris.